Le volow a reculé historiquement en faveur du mwotlap, langue désormais dominante sur l'île. Le volow et le mwotlap sont linguistiquement très proches, au point d'être quasi intercompréhensibles ; cependant ils forment deux langues distinctes, avec des différences de phonologie, de morphologie, de lexique.
Le dernier locuteur qui ait parlé le volow couramment, et le dernier conteur, s'appelait Wanhan – décédé en 1986. Aujourd’hui, la langue n’existe que dans la mémoire de René Wolman (photo). Le plus jeune fils de feu Wanhan, Wolman avait l'habitude de passer du temps avec son père dans les jardins, et a ainsi pu entendre cette langue parlée. Aujourd’hui René dit qu'il ne se sent pas capable de parler couramment le volow, mais il comprend parfaitement la langue et peut toujours traduire des phrases isolées. Dans les termes des linguistes, René Wolman serait décrit comme un locuteur «passif»; ou (pour citer Nicholas Evans) comme le «dernier auditeur» du volow. Durant toute sa vie, c’est la langue mwotlap qu’il a utilisée au quotidien.
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Les enregistrements en langue volow
Le dernier bon locuteur du volow, Wanhan, fut enregistré en 1969 par l’ethnologue français Bernard Vienne. Même si Vienne n'était pas linguiste et ne pouvait pas comprendre la langue, il était bien conscient d’enregistrer le dernier locuteur, et comprenait ainsi la valeur de ces enregistrements pour la postérité.
Trente ans plus tard, Vienne a confié une copie de ses cassettes à Alex François, lequel effectuait un travail linguistique de terrain sur la même île, travail consacré d’abord à la langue principale mwotlap. En 2003, François a ainsi pu rapatrier les enregistrements audio à la famille de Wanhan, en particulier à son fils René Wolman; il fut profondément ému d’entendre à nouveau une voix qui s’était tue depuis longtemps.
Les enregistrements audio comprenaient deux histoires racontées en volow. René Wolman a aidé François à les transcrire et les comprendre, tout en répondant à toutes les questions utiles sur les aspects linguistiques de la langue. En outre, René a conduit le linguiste dans la brousse, en vue d’explorer les ruines de l'ancien village de Dagmel mentionné dans l'histoire – avec des murs de pierre et des mégalithes datant de plusieurs générations, alors que la langue était encore activement parlée.
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Les deux textes volow
Les deux enregistrements audio ont été enregistrés par †Bernard Vienne en 1969, et transcrits par Alex François en 2003. Le premier texte est ici fourni avec une transcription et une traduction française.
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- Le dignitaire et l'enfant abandonné
https://doi.org/10.24397/pangloss-0003316
Histoire racontée par †Wanhan, en 1969.
• Résumé :
Un enfant orphelin est secouru et adopté par un dignitaire (un chef de village). Bien des années plus tard, alors que l'orphelin est devenu adulte, son père adoptif meurt et revient sous la forme d'un spectre. Le fantôme du dignitaire fournit à l'orphelin la richesse, ainsi qu'une femme et un enfant. Pourtant, l'orphelin rejette ce bébé et demande à sa nouvelle épouse de le tuer.
Au lieu de s’exécuter, la femme sauve l'enfant et le cache dans la forêt pendant de nombreuses années ; il sera élevé par le frère de la mère, son oncle maternel. Au fil des années, l'oncle fournit à son neveu tous les grades honorifiques d'un dignitaire et lui attribue un statut social élevé. Son père (l’Orphelin du début de l’histoire) le supplie enfin de le pardonner pour avoir un jour ordonné qu’il fût tué.
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- Le serviteur emporté par la mer
https://doi.org/10.24397/pangloss-0003317
Histoire racontée par † Wanhan, en 1969.
• Résumé :
Un chef envoie régulièrement son serviteur Ēm̄am̄ puiser de l'eau de mer pour cuisiner, en lui interdisant d'aller à l'endroit où les femmes se baignent. Un jour, le serviteur brise l'interdit et se voit emporté par la mer ; il se retrouve bloqué dans un endroit reculé, réservé aux femmes (Wōtes). Finalement, il est retrouvé et ramené au village.
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Remerciements
Je souhaite remercier les villageois d’Aplow pour leur accueil, notamment la famille de †Wanhan: René Wolman, Henry Nin, Singa, Amstrong.
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Bibliographie
Pour plus d’informations sur le nord du Vanuatu, visitez http://alex.francois.online.fr. Voici quelques publications permettant de situer le volow dans son contexte :
François, Alexandre. 2012. The dynamics of linguistic diversity: Egalitarian multilingualism and power imbalance among northern Vanuatu languages. International Journal of the Sociology of Language 214, 85–110.
François, Alexandre, Michael Franjieh, Sébastien Lacrampe & Stefan Schnell. 2015. The exceptional linguistic density of Vanuatu. In A. François, S. Lacrampe, M. Franjieh & S. Schnell (eds), The Languages of Vanuatu: Unity and Diversity. Studies in the Languages of Island Melanesia, 5. Canberra: Asia Pacific Linguistics Open Access. 1–21.
Vienne, Bernard. 1984. Gens de Motlav. Idéologie et pratique sociale en Mélanésie. Paris: Société des Océanistes.
Voici comment vous pouvez citer cette archive Pangloss :
François, Alexandre & Bernard Vienne. 2020. Archive d’enregistrements de terrain dans la langue volow. Collection Pangloss. Paris: CNRS.