Les textes ont été recueillis par F. Ozanne-Rivierre et C. Moyse-Faurie.
Histoires, légendes et récits
L'épouse du chef Drumai et la sorcière Nemejie
Nouvelle-Calédonie, Mouli (Ouvéa), 1971, Fereol Bali, Françoise Ozanne-Rivierre
Le thème des sorcières qui noient les femmes de chef enceintes pour prendre leur place est récurrent dans certaines aires linguistiques de la Grande Terre et, notamment, dans l'aire cèmuhî où cette sorcière porte le nom de "Awii-dèlè-apulip" (litt. "celle qui mange les déchets des gens"), cf. Rivierre, Dictionnaire cèmuhî-français, Paris, SELAF, 1994. Dans ce texte en fagauvea, la sorcière se nomme Nemejie et sa victime est l'épouse du chef Drumai de Mouli. Une fois son forfait accompli, cette sorcière avale tout ce qui lui tombe sous la main, marmites, assiettes, lézards, etc., pour faire croire qu'elle est enceinte. Pendant ce temps, l'épouse noyée dérive jusqu'à un îlot où elle est recueillie par une vieille femme chef, Logoti. Elle accouchera de deux jumeaux nommés Wanima et Waneume. Un jour où les deux garçons naviguent dans les îlots des Pléïades du sud, ils sont capturés par les sujets de Drumai. Destinés à être mis au four, ils seront, heureusement, reconnus par leur père et la sorcière, démasquée, sera exécutée. C'est depuis ce temps-là que l'aîné de la chefferie Drumai porte le nom de Wanima et son cadet, celui de Waneume. Une version de ce texte, écrite et traduite en fagauvea par la mère d'Hervé Alosio, figure dans le recueil Contes et Légendes d'Ouvéa ("O Doumai", texte 8), élaboré en 1981 par des enfants de quatrième du collège Guillaume Douarre. Dans ce même document, on trouve aussi une version, assez parallèle, concernant cette fois la chefferie beka au nord d'Ouvéa. Ce texte, intitulé "Les deux garçons d'Ougné [Unyee]" (texte 12), a été recueilli à Téouta en 1981 auprès de Pélagie Gnida. Il a été transcrit en fagauvea par Laurentine et Agnès Laouniou, et traduit en français par Laurentine.
Les deux garçons changés en pierres à Heo
Nouvelle-Calédonie, Héo (Ouvéa), 1997, Noela Tulangi, Claire Moyse-Faurie
Heo (Beautemps-Beaupré), Motutapu, Motuone et Bunaaca font partie d'un petit archipel, actuellement inhabité, situé au nord-ouest des Pléïades du nord, ces dernières fermant, avec les Pléïades du sud, le lagon d'Ouvéa. A Bunaaca résidait une femme. (Il s'agit peut-être de Logoti, déesse de Heo qui, maltraitée, se serait réfugier à Motutapu ; en effet, l'île de Bunaaca est parfois décrite comme étant le double invisible de Heo). Un jour, cette femme envoya deux jeunes garçons ramasser du bois à Heo, afin de pouvoir faire du feu et griller les toiles d'araignée qui envahissaient son île. Les jeunes ne respectèrent pas l'interdit - ils ne devaient pas parler aux habitants de Heo - et furent pétrifiés, devenant les deux rochers que l'on peut voir désormais au large de Heo.
La pierre de Takeji
Nouvelle-Calédonie, Takéji (Ouvéa), 1997, Marthe Sivitango, Claire Moyse-Faurie
Située à l'intérieur de l'enclos de la chefferie Nekelo à Takeji, cette pierre sacrée est en quelque sorte le symbole du respect de l'ordre social et du bon comportement que doivent avoir les sujets vis-à-vis de la chefferie. Tout manquement individuel à cet ordre sera lourd de conséquences pour la collectivité toute entière.
Le râle et de la poule sultane
Nouvelle-Calédonie, Héo (Ouvéa), 1997, Valentine Ouckeiwen, Claire Moyse-Faurie
Cette "histoire de bêtes" illustre les modes de subsistance de deux oiseaux de Nouvelle-Calédonie, le râle et la poule sultane.
Origine des chefferies polynésiennes d'Ouvéa (Iles Loyauté)
Nouvelle-Calédonie, Wénéki (Ouvéa), 1997, Amédée Nahyet, Claire Moyse-Faurie
Plusieurs migrations polynésiennes à Ouvéa, provenant, si l'on en croit la tradition orale, principalement de Wallis (dont le nom wallisien est justement Uvea), ont vraisemblablement eu lieu entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Le prétexte donné dans ce récit à cette migration est le désir d'aventure, de découverte d'autres terres. Dans d'autres versions, les raisons évoquées sont semblables à celles expliquant la migration tongienne à Lifou : le fils d'un chef de Wallis est blessé ou tué lors de la construction de pirogues, les coupables prennent la fuite pour éviter des représailles. La prédiction permettant de reconnaître l'île à atteindre (poisson-mulet sautant au-dessus des feuilles de palétuvier) et le message d'adieu émis par l'esprit d'une femme wallisienne sont très souvent évoqués à Ouvéa. Dans le nord d'Ouvéa, les Polynésiens ont été accueillis par le grand chef iaai Bazit, désireux de s'en faire des alliés contre ses rivaux traditionnels. Les noms des chefs polynésiens auraient été modifiés après leur installation à Ouvéa : Kaukelo, Peka et Atunai seraient devenus respectivement Nekelo, Beka, et Drumai. Les descendants de cette migration parlent le fagauvea, langue polynésienne, qui au contact du iaai s'est enrichi (phonologie et vocabulaire).
Le martin-pêcheur et la buse
Nouvelle-Calédonie, Wénéki (Ouvéa), 1997, Amédé Nayet, Claire Moyse-Faurie
Cette "histoire de bêtes", à caractère allégorique, symbolise la répartition des tâches dans les plantations. Le martin-pêcheur, au beau plumage, se montre le jour et veille à la préparation des petites buttes, les "taupinières", où sont enterrés les tubercules d'igname esculenta, les "walei". La buse, au plumage terne et sombre, travaille de nuit à attacher les tiges des jeunes pousses d'igname avant d'annoncer le lever du jour. Le canard sauvage, oiseau de forêt noir et blanc, régule le travail des deux autres en annonçant le beau ou le mauvais temps.
La pierre du vent à Ohnyat
Nouvelle-Calédonie, Wénéki (Ouvéa), 1997, Amédé Nayet, Claire Moyse-Faurie
Ce récit évoque les alliances qui perdurent entre les îles d'Ouvéa et de Lifou, par l'intermédiaire du clan Hnadruao à Ohnyat, originaire du village de Unatrë à Lifou, et auquel appartient la famille Drehudrohu et son maître du vent. On fait appel à ce dernier lorsque l'on veut bénéficier de vents favorables pour gagner l'île de Lifou, ou, plus prosaïquement, se débarrasser des moustiques, bien envahissants par temps chaud et lourd. Il existerait aussi, entre Ouvéa et Lifou, un récif auprès duquel les gens de Ohnyat voulant se rendre à Lifou, leur île d'origine, feraient en passant un geste coutumier.
Le trou d'eau d'Aneua
Nouvelle-Calédonie, Wénéki (Ouvéa), 1997, Jean-Marie Ngavit, Claire Moyse-Faurie
Ce récit, présenté comme véridique, relate la mort tragique d'un jeune homme, qui, poussé par son orgueil, voulut s'attirer l'admiration de ses camarades en pariant trop sur ses capacités physiques.
Légende de la femme de Motutapu
Nouvelle-Calédonie, Mouli (Ouvéa), 1997, Paul Mitcham, Claire Moyse-Faurie
Heo (Beautemps-Beaupré), Motutapu, Motuone et Bunaaca font partie d'un petit archipel, actuellement inhabité, situé au nord-ouest des Pléïades du nord, ces dernières fermant, avec les Pléïades du sud, le lagon d'Ouvéa. La déesse Logoti aurait fui Heo et les mauvais traitements que lui infligeaient ses habitantes, sales et bruyantes, pour se réfugier à Motutapu. Pour cette raison, les femmes et les chefs ne peuvent se rendre à Motutapu aujourd'hui.
Histoire de Bebea
Nouvelle-Calédonie, Mouli (Ouvéa), 1997, Lazare Wegué, Claire Moyse-Faurie
Un rocher de forme arrondie est situé sur l'îlot Dengala (appelé parfois "île Haute") à l'est de l'île Angen, dans l'archipel des Pléïades du nord. Ce rocher est en fait un jeune homme, nommé Bebea ou Ameti. Curieux des bruits qui lui parvenaient de la "grande île" (Heo ou Angen ?), le jeune homme obtint de sa grand-mère la possibilité de s'y rendre : en fait, il s'agissait du pays des morts et, bien qu'enduit de jus de crabe, le jeune homme se fit repérer comme étranger au cours de la danse des morts. Son incursion au pays des morts lui valut de regagner, pétrifié, son îlot d'origine.
L'arrivée d'Atunai à Mouli
Nouméa, Vallée du Tir, 1997, Marie-Josèphe Drumai, Claire Moyse-Faurie
Ce texte propose une explication à la migration polynésienne vers Ouvéa (îles Loyauté), provenant, si l'on en croit la tradition orale, principalement de Wallis/Uvea, et qui eut lieu vraisemblablement entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Le prétexte donné dans ce récit est l'accident dont aurait été victime le fils d'un chef de Wallis au cours de travaux de construction de pirogues, les coupables prenant ensuite la fuite pour éviter des représailles. Le message d'adieu d'une vieille femme wallisienne expliquant aux fuyards comment reconnaître leur destination finale - l'île avec un poisson mulet sautant par dessus une feuille de palétuvier - est transmis à l'identique dans plusieurs autres versions. Cependant, le récit de Drumai, Marie-Josèphe est original en ce sens que sont associés une feuille d'arbre et un poisson différents pour chacun des points de chute des trois chefs wallisiens Nekelo (anciennement Kaukelo), Peka (Beka) et Atunai, qui deviendra Drumai. A Wallis même, la tradition orale a conservé le nom de la vieille femme - Sogotautau, qui serait sortie de son tombeau pour délivrer son message au moment où les fuyards quittaient l'île par la passe d'Avatolu -, et le nom de la pirogue des fuyards, Ifilaupakola. Frimigacci (Un poisson nommé Uvea : éléments d'ethnohistoire de Wallis, Nouméa, CTRDP) date le départ de cette pirogue vers les années 1750. L'auteur de ce récit est la fille de l'ancien chef de Mouli, Carolo Drumai, qui, n'ayant pas eu de fils, a confié la chefferie à son neveu Pierre Drumai.
Les deux bernard-l'hermite et le crabe de cocotier
Nouvelle-Calédonie, Ohnyat (Ouvéa), 1997, Félicien Idakote, Claire Moyse-Faurie
Voilà pourquoi, aujourd'hui, le bernard-l'hermite se cache dans les coquilles vides qu'il trouve, alors que le crabe de cocotier n'a pas honte de se promener tout nu.
Mythe
L'origine du nom "Drumai"
Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Vallée du Tir, 1997, Marie-Josèphe Drumai, Claire Moyse-Faurie
Ce mythe relate une alliance entre une femme originaire de la Grande Terre (selon les versions, de Petit-Couli ou de Kouaoua) et la chefferie Atunai de Mouli, d'origine wallisienne. Cette femme serait arrivée enceinte à Mouli dans le ventre d'une baleine qu'elle aurait réussi à faire échouer en lui grattant l'intérieur du ventre avec une coquille de kuku, sorte de coquillage utilisé pour râper les tubercules, et dont les femmes ne se séparent pas. L'enfant de cette femme serait devenu, sous le nom de Drumai, le chef de Mouli. J. Guiart (1963, Structure de la chefferie en Mélanésie du sud, Institut d'ethnologie du Musée de l'Homme) présente une autre version de ce mythe, recueillie dans la région de Poindimié : le clan Nebay de la Grande Terre serait en fait à l'origine des Dumay, dont l'ancêtre aurait été avalé avec sa mère, épouse du chef Dumay, par un requin, alors qu'elle traversait la rivière Kouaoua.
Lien externe
Corpus de la parole